"Au commencement des temps, seules les brumes insondables parcouraient les terres désolées d’Aléa. Du néant surgirent alors cinq lueurs bienfaisantes. Les divines prirent en pitié ce monde dévoré par les cataclysmes et voué à disparaître dans les abysses de l’oubli. Elles illuminèrent alors l’éther et percèrent les ténèbres environnantes. L’éclat rouge souffla sur les braises oubliées dans cet océan de cendres. De longues flammes jaillirent de la pourriture et leur ferveur envahit l’espace tout entier… Bienheureuse du foyer qu’elle venait de créer, elle façonna les Kaos. Ces êtres semi-animaux se lovèrent alors contre leur protectrice pour lui rendre sa chaleur, ronronnant son nom : Toréa. L’illumination bleue versa quelques larmes de joie en voyant le monde renaître et ses pleurs devinrent rivières et mers. La vie s’écoula à travers les continents, comme une pluie bienfaitrice et les Iris, créatures aux oreilles pointues, se tournèrent vers leur déesse pour écouter le doux chant d’Enéa. La mystique verte embrassa les landes esseulées, et de ses baisers naquirent des forêts infinies. Le monde rougit de contentement, sa peau se teintant de la pourpre délicate des fleurs. De cet amour émergèrent les éternels enfants nommés Hanamoris, et leurs premiers mots furent pour elle : Naphéa. L’évanescence blanche enfin, se pencha vers ce berceau où dormait leur progéniture, attendrie et effrayée par sa fragilité, elle l’auréola de sa magie afin que plus jamais, il ne souffrît du moindre mal. Alors, tous, connurent cette unique vérité : Tamathéa vous sauvera. Descendant des cieux à chaque nouvelle éclipse, les déesses enseignèrent la parole à leurs œuvres, pour qu’elles puissent se comprendre et s’aimer en paix. Leur savoir n’avait d’égal que leur grande bonté et elles le partagèrent généreusement. Cette époque bénie où les divines allaient et venaient parmi leur création, fut nommé l’ère des Lumières. Hélas, le bonheur est éphémère. La cinquième entité venue du néant, seul emblème masculin parmi elles, avertit ses consœurs du danger qui les épiait : « Mes amies, vous avez créé un monde merveilleux à bien des égards, mais vous oubliez qu’équilibre est à la fois ténèbres et lumières. Pour que les beaux jours pointent il faut la fin des mauvais, pour connaître le bonheur on doit avoir vécu un peu de malheur, pour réussir fièrement, il faut se tromper parfois, pour vivre on doit savoir que l’on va tous mourir un jour… Cette loi demeure le fondement de tout. Allons, cessez vos enfantillages et consentez à mettre un peu de douleur ici-bas. Ne craignez-vous pas, qu’un jour, cette insouciance ne se transforme en fléau et ne s’abatte sur vos enfants innocents ?» Mais les déesses ne l’écoutèrent pas : « Te voilà bien insolent, toi qui n’as rien fait pour notre enfant ! Et, tu voudrais aujourd’hui que nous lui infligions le moindre mal ? -Les épidémies, la rancune et la tristesse, sont-ce vraiment là ce dont tu veux bénir nos créations ? -Va Andréa, c’est en l’amour que nous avons pour toi que nous passons sur ces folles paroles et te laissons demeurer à nos côtés, mais n’embarrasse plus notre cœur de telles horreurs. » Le dieu de l’harmonie, déchu et peiné de n’être pas entendu, se détourna alors de ses semblables et leur murmura : « Soit, entêtez-vous donc, jouez-vous des lois de l’univers et de l’évolution ! Ne voyez-vous donc pas que votre propre jeu causera votre perte ? Votre propre lumière vous aveugle. Je sais votre bonté sincère, à vos lèvres, les fléaux ne sont qu’un mot, mais pour vos peuples, ils deviendront mille maux. Ce n’est point la liberté que vous leur apportez, mais la dépendance et la servitude, si vous persistez, jamais vos enfants ne deviendront adultes. De ce monde vous resterez les lumières, et sans vous, vous le condamnez à l’éther ! Oubliez cette vérité et vous signerez la mort de ce que vous protégez. Mais votre volonté est notre puissance, puisse-t-elle ne jamais faiblir. Votre unité signe ma déchéance. Je préfère me retirer qu’admirer ce que je sais arriver.» Et sur ces paroles blessées, il s’en retourna sur Aléa pour ne plus jamais en revenir. Les déesses, le cœur brisé, pleurèrent leur amant disparu. Accablées de chagrin, elles se retirèrent alors sur les lunes où elles s’endormirent…"
Genèse d'Aléa Version simplifiée de la cité antique de Runes